Le journaliste scientifique est-il un scientifique ? Faut-il être un scientifique pour faire du journalisme scientifique ? Quelles sont les compétences que doit avoir un journaliste scientifique ? Kossi Elom Balao, Président du Réseau des Journalistes Scientifiques d’Afrique Francophone (RJSAF) et Fo-Koffi Djamessi, journaliste scientifique et spécialiste des médias, donnent dans les lignes qui suivent, des éléments de réponse assez précis. Bonne lecture.
ASCA : Un journaliste scientifique est-il un scientifique ?
Kossi Elom : Un journaliste scientifique n’est pas un scientifique de la même manière qu’un journaliste politique n’est pas un politicien et qu’un journaliste économique n’est pas un économiste. Demande-t-on à un journaliste culturel d’être un artiste avant d’écrire sur le monde du cinéma, de la musique ou de l’art ? Un homme d’affaires accompli ferait-il forcément un bon journaliste économique ? Il n’y a pas d’amalgame à ce sujet. Un journaliste scientifique est avant tout un journaliste. Être titulaire d’un diplôme dans un cursus scientifique est un atout mais pas un prérequis à titre obligatoire pour devenir journaliste scientifique. Je ne suis pas un scientifique de formation. Et j’ai plein de collègues qui n’ont pas fait les sciences dures mais qui sont d’excellents journalistes scientifiques.
Un journaliste scientifique est avant tout un journaliste.
Fo-Koffi Djamessi : Je ne crois pas que le journaliste scientifique doit être obligatoirement un scientifique. Il y a bien évidemment des notions essentielles comme les méthodologies de recherches, les différents types de recherches, les différents types de productions scientifiques, les sources scientifiques, etc. que le journaliste scientifique doit maîtriser pour être efficace dans son travail. Mais je pense que, dans le contexte africain, c’est d’ailleurs plus intéressant et plus dynamique pour la science que des non-scientifiques s’intéressent au journalisme scientifique. Cela permet de décloisonner le secteur et de s’assurer que le message soit le plus clair possible pour atteindre un plus large public. Le fait que le journaliste soit un non-scientifique lui permet de poser les questions les plus basiques pour comprendre et mieux expliquer les concepts qui seraient assez évidents pour un scientifique. En gros, cela permettrait d’éviter les biais qu’un scientifique pourrait avoir en raison de sa connaissance du domaine. En revanche, cela n’exclut pas que le journaliste scientifique doit renforcer ses compétences en se documentant sur les sujets qu’il aborde afin d’éviter d’être « baratiné » par ses interlocuteurs scientifiques.
ASCA : Qui peut devenir journaliste scientifique ?
Kossi Elom : Le journalisme est un métier qui s’apprend. Il en va de même pour qui voudrait se spécialiser dans le traitement de la science. Je voudrais rappeler qu’en ce qui concerne le journalisme scientifique, être curieux, avoir une bonne culture générale, être créatif et rigoureux, ne sont pas suffisants. Il en faut encore plus. Déjà, à la base, il faut avoir des compétences scientifiques. Ensuite, maîtriser les codes et méthodes de fabrication du savoir, être capable de lire et comprendre les études scientifiques, savoir les interpréter et les rendre accessibles pour un public profane. Il est essentiel d’avoir un esprit critique du fait que la science n’est pas exempte d’erreurs et peut véhiculer, dans certains cas, des biais. Je dois ajouter qu’il faut être un bon lecteur, lire la littérature scientifique et ce que font les autres collègues. La compréhension du système d’évaluation par les pairs est vitale. Et si vous êtes un journaliste francophone, l’anglais est incontournable. C’est un must.
Tout journaliste qui le souhaite peut devenir journaliste scientifique.
Fo-Koffi Djamessi : Pour moi, tout journaliste qui le souhaite peut devenir journaliste scientifique. Il y a aujourd’hui des ressources en ligne sur le journalisme scientifique. Celles-ci sont proposées par des organisations ou certaines rédactions. Il suffit d’avoir assez de volonté pour se perfectionner et acquérir les bases pour devenir journaliste scientifique. Il est important également d’avoir un mentor qui peut nous accompagner dans ce processus assez passionnant. Le journaliste scientifique a les mêmes qualités qu’un journaliste tout court : être curieux, rigoureux dans sa démarche, pratique et proche de son environnement, écrire simple et de façon lisible (les « gros mots » ne font pas un bon journaliste), vérifier doublement ses sources, s’assurer de l’autorité des expertes et experts dans leur domaine avant de leur faire appel, multiplier ses sources, etc. Ces qualités indispensables pour tout type de journaliste, le sont encore plus pour les journalistes scientifiques qui sont souvent très attendu aux tournants par le public mais surtout par les scientifiques eux-mêmes !